Shubhda, how to make a podcast about money
Qu’il soit en roupies mauriciennes ou en euros, l’argent est au cœur de nos vies.
Et pourtant, il reste l’un des sujets que l’on évite souvent. Il fait peur, il fâche, ou il semble plus prudent de rester discret. Alors, quand certaines personnes osent mettre les pieds dans le plat, c’est toujours intéressant de comprendre pourquoi.
Shubhda Gujadhur a créé le podcast Don’t Panic justement pour parler d’argent, et surtout pour démystifier notre rapport à lui. Elle y interviewe une série d’invité·es — investisseurs, entrepreneurs, salarié·es — qui parlent librement de leur rapport à l’argent.
Shubhda est Mauricienne d’origine indienne. Dans sa famille, on ne parle pas d’argent, et dans la société mauricienne, c’est encore très peu le cas. J’ai voulu en savoir plus sur son envie de faire bouger les lignes, comprendre son propre rapport à l’argent et ce que son podcast peut apporter en termes d’éducation. Car oui, le savoir, c’est le pouvoir.
Interview avec Shubhda
De quel type de famille viens-tu ?
Je viens d'une famille indo-mauricienne. Du côté de mon père, je suis la sixième génération née et élevée à Maurice, tandis que ma mère est originaire d’Inde. J’ai grandi au sein d’une grande famille élargie, avec mes grands-parents, mes tantes, mes oncles et un groupe formidable de cousins — que je considère comme mes frères et sœurs.
Parlait-on facilement d'argent dans ta famille ?
Non, pas du tout. En grandissant, on ne parlait jamais d’argent.
Je recevais de l’argent de poche au collège, et j’ai vite remarqué que ma sœur et moi avions des attitudes très différentes : je préférais économiser pour acheter quelque chose d’important, tandis qu’elle dépensait au fur et à mesure. C’était déjà une observation intéressante.
J’ai aussi constaté qu’on met souvent les personnes riches sur un piédestal, peu importe leurs accomplissements. J’ai toujours trouvé ça étrange.
Comment a été perçue l’idée de lancer un podcast sur l’argent ?
Même si je n’ai pas de formation en finance, je n’ai pas rencontré d’obstacles majeurs. Au contraire, l’accueil a été très bienveillant, et les personnes que j’ai contactées se sont montrées très soutenantes.
L’argent est un sujet encore très sensible, souvent lié à des tabous ou à de l’anxiété. Je pense que c’est justement pour ça que le podcast a trouvé un écho : il apporte une approche décomplexée, pédagogique et authentique.
Qu’est-ce qui t’a motivée à lancer ce podcast ?
Plusieurs choses.
D’abord, j’ai observé que notre société traite les gens différemment selon leur statut financier. L’argent influence non seulement nos choix, mais aussi la manière dont les autres nous perçoivent.
Ensuite, il y a eu ce moment où, assise dans la nouvelle maison de mes parents, j’ai réalisé que tout ce qui m’entourait avait une valeur. Cette prise de conscience m’a fait comprendre à quel point l’argent est présent partout — et combien bien le gérer peut nous offrir de la liberté : celle de choisir où vivre, quoi faire, comment utiliser notre temps.
Enfin, j’ai beaucoup appris par moi-même en écoutant des podcasts et en regardant des vidéos sur YouTube. Mais je me suis vite rendu compte qu’il y avait très peu de contenu sur le sujet en contexte mauricien ou même africain. C’est là que j’ai décidé de créer quelque chose moi-même, avec mes moyens (et j’ai vite compris que c’était un travail bien plus exigeant que je ne l’imaginais !).
Quel est ton propre rapport à l’argent ?
Je me sens à l’aise avec l’idée d’avoir une réserve de sécurité équivalente à cinq mois de dépenses. Ça me permet d’être sereine en cas d’imprévu. Ensuite, j’investis le reste dans des actions, des obligations et l’immobilier.
Quels retours reçois-tu sur ton podcast ?
Ils sont très positifs. Beaucoup de gens m’écrivent pour dire à quel point les discussions les ont aidés. Certains amis ont même quitté leur emploi après avoir écouté certains épisodes. D'autres ont mieux compris leur rapport à l’argent.
Un point intéressant : mon audience est majoritairement féminine, surtout sur Spotify et mon site. La tranche d’âge la plus représentée est 30-45 ans. Les femmes semblent particulièrement enclines à s’éduquer sur le sujet, plus qu’on ne le pense !
Quelle est, selon toi, la place de l’argent à Maurice ?
L’argent est un énorme tabou ici. Et pourtant, il influence énormément notre quotidien.
Les Mauriciens sont-ils suffisamment informés en matière d’argent ?
Pas vraiment. L’éducation financière repose sur deux piliers :
La technique — savoir gérer, épargner, investir.
L’émotionnel — comprendre notre rapport personnel à l’argent.
Beaucoup de gens voient l’argent comme une fin en soi, alors que pour moi, c’est un outil. Un moyen de concrétiser ses projets et d’améliorer sa qualité de vie.
Et ce manque d’éducation ne concerne pas que Maurice, mais une grande partie du monde.Tu voyages beaucoup et tu es proche de la culture indienne. Te considères-tu comme une “Mauricienne du monde” ?
J’adore ce terme.
Pendant longtemps, j’ai cru que venir d’une petite île comme Maurice pouvait être un handicap. Mais j’ai rencontré tant de Mauriciens brillants à travers le monde que j’ai fini par voir notre insularité comme une richesse.
Avec mes racines indiennes, j’ai une vision du monde plurielle. Je crois qu’il n’y a jamais une seule vérité, mais plusieurs façons d’aborder les choses.
Puisqu’on parle d’argent, je remarque aussi à quel point le colonialisme a influencé notre rapport à lui. Certaines cultures ont su développer une mentalité d’abondance, d’autres restent ancrées dans celle de la rareté. Je me demande souvent ce que serait le monde si chacun réalisait que l’argent est une ressource abondante, et non une fin en soi.
Quel "combat" veux-tu mener à Maurice ?
Ce n’est pas un combat, mais un mouvement.
Je rêve de faire de Maurice une île d’investisseurs. On a déjà de belles bases : l’éducation et la santé sont gratuites. Si on change notre état d’esprit vis-à-vis de l’argent, on pourrait réellement transformer notre rapport à la richesse et aux opportunités.
Petit à petit, je suis convaincue qu’on peut faire évoluer les mentalités. Il ne s’agit pas seulement d’apprendre à mieux gérer son argent, mais aussi de changer notre manière d’en parler, d’y penser, et de l’utiliser pour bâtir un avenir meilleur.
Don’t Panic, le podcast, c’est :
12 épisodes
Plus de 2 500 écoutes à l’international
Et surtout : 61 % de l’audience est à Maurice, ce qui confirme que l’impact se fait sentir là où il est le plus nécessaire
Website:
https://dontpanicpodcast.buzzsprout.com
Spotify:
https://open.spotify.com/show/1KD0LBVEw8bTUv6ixKyxKj
Instagram:
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